La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a publié de nouvelles lignes directrices relatives au répertoire des représentants d'intérêtsCes dernières, devant remplacer l'ancienne version du document, sont entrées en vigueur le 1er octobre 2023
À l'occasion de cette mise à jour, la Haute Autorité publie également un bilan des déclarations d'activités 2022. Au 1er juillet 2023, 2 871 représentants d'intérêts étaient inscrits sur le répertoire soit une hausse de près de 16 % par rapport au bilan établi le 1er mai 2022 (HATVP, Répertoire des représentants d'intérêts – Bilan des déclarations d'activités 2023, juill. 2022, p. 5). Cet état des lieux intervient un an après l'extension du périmètre du répertoire au secteur public local (Y. Benrahou , Rapport d'activités de la HATVP : quel bilan tirer de l'année 2022 ? : JCP A 2023, act. 426). Dans le même temps, la place occupée par les actions de représentation visant des dispositifs législatifs a augmenté puisque 51,5 % des activités déclarées sont relatives à la loi contre 32,5 % en 2021. Il convient néanmoins de souligner que cette extension a induit l'inscription de 431 nouvelles entités au répertoire (HATVP, Répertoire des représentants d'intérêts – Bilan des déclarations d'activités 2023, juill. 2022, p. 5).
Les nouvelles lignes directrices ont vocation à « éclairer les représentants d'intérêts en explicitant les notions figurant dans la loi et son décret d'application n° 2017-867 du 9 mai 2017 et en formulant des recommandations » (HATVP, Répertoire des représentants d'intérêts – Lignes directrices : nouvelle version, juill. 2023, p. 2). Elles s'inscrivent plus largement dans le cadre du travail de pédagogie dont fait preuve la HATVP pour rendre plus accessible les différents dispositifs qu'elle contrôle. Ces dernières ont d'ailleurs été soumises à consultation auprès « d'un échantillon d'organismes représentatifs » (HATVP, Répertoire des représentants d'intérêts – Lignes directrices : nouvelle version, juill. 2023, p. 2).
Alors que l'autorité de transparence approfondit son travail de synthèse systématique impliquant parfois de déduire voire d'ajouter à la loi et aux règlements des critères et des catégories, il apparaît pertinent de revenir sur la publication de ces nouvelles lignes directrices notamment pour déterminer l'apport de ces dernières.
Les nouveautés relatives au critère matériel. – Pour rappel, dans le cadre de la définition de la notion de représentant d'intérêts, la HATVP déduit de l'article 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, un critère organique associé au statut de la personne concernée et un critère matériel relatif à son activité.
En dehors des simples mentions de la loi et des règlements, la Haute Autorité apporte des précisions intéressantes concernant le critère matériel constitué des deux conditions cumulatives relatives, d'une part à l'exercice d'actions de représentation d'intérêts et d'autre part au caractère principal ou régulier de cette activité pour au moins une personne physique au sein de la personne morale.
Concernant la définition des activités de représentation d'intérêts, l'article 18-2 de la loi susvisée et l'article 1er du décret du 9 mai 2017 supposent la réunion de cinq conditions cumulatives :
– impliquer une entrée en communication entre un représentant d'intérêts et un responsable public ;
– concerner un des responsables publics mentionnés à l'article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013 ;
– être à l'initiative du représentant d'intérêts ;
– concerner une décision publique existante ou à venir ;
– avoir pour objectif d'influer sur cette décision publique ;
Or, la HATVP ne distingue désormais plus 3 mais 4 types d'entrées en communication. En plus de la rencontre physique, de la conversation téléphonique et de l'envoi d'un courrier, elle ajoute que l'entrée en communication peut avoir lieu dans le cadre d'une « interpellation directe et nominative d'un responsable public sur un réseau social » (HATVP, Répertoire des représentants d'intérêts – Lignes directrices : nouvelle version, juill. 2023, p. 8).
Par ailleurs, la Haute Autorité précise également sa doctrine relative à l'organisation d'événements au cours desquels sont invités des représentants publics. En effet, pour ce type d'événements, il est possible de déduire la qualification d'entrée en communication du faisceau d'indices suivant :
– présence et intervention d'un ou de plusieurs responsables publics ;
– existence de moments d'échanges avec le ou les responsables publics ;
– évocation d'une décision publique précise ou d'un cadre normatif plus large.
D'autres précisions notables concernent la définition des « décisions publiques existantes ou à venir ». La Haute Autorité apporte une clé de lecture permettant de déterminer si une entrée en communication tendant à l'obtention d'une décision individuelle relève ou non de la représentation d'intérêts. La ligne de partage suivante doit être retenue :
• « toute entrée en communication, autre qu'une simple démarche administrative, tendant à influer sur un responsable public pour l'inciter à prendre une décision, avant que l'instruction de celle-ci ne soit engagée, doit être regardée comme constituant une action de représentation d'intérêts » ;
• « en revanche, une démarche auprès d'un responsable public pour l'instruction d'une demande dans les conditions prévues par un texte législatif ou réglementaire ne constitue pas une entrée en communication susceptible d'être qualifiée d'action de représentation d'intérêts » (HATVP, Répertoire des représentants d'intérêts – Lignes directrices : nouvelle version, juill. 2023, p. 11).
Cette synthèse est complétée des exclusions déjà présentes dans la dernière version des lignes directrices. En effet, sont exclues du champ d'application de la représentation les situations suivantes :
– préalablement au dépôt d'une demande, les communications avec l'autorité compétente qui se limitent à annoncer ce dépôt, à préciser la nature et les caractéristiques de l'opération ou à convenir d'un calendrier ;
– pendant l'instruction de la demande, toutes les communications entre le demandeur et l'administration compétente pour la traiter ;
– en cas de refus de la demande, les communications qui se déroulent dans le cadre d'un recours gracieux, hiérarchique ou contentieux ;
– en cas d'acceptation de la demande, toutes les communications qui se limitent au suivi de la mise en œuvre de la décision individuelle.
Concernant cette dernière catégorie, la Haute Autorité ajoute néanmoins une précision relative aux décisions ayant un lien entre elles. Lorsqu'une décision principale est exclue du champ de la représentation d'intérêts et que d'autres décisions présentent « un lien tel que la délivrance de la décision principale implique la délivrance d'une ou plusieurs décisions subséquentes nécessaires à l'exécution de la décision principale » (HATVP, Répertoire des représentants d'intérêts – Lignes directrices : nouvelle version, juill. 2023, p. 13), alors ces dernières sont également exclues de la représentation d'intérêts.
Les lignes directrices contiennent des compléments relatifs aux réponses à un appel d'offres (marché public, concession de service public, contrat d'occupation du domaine public, etc.) dans le cadre d'une procédure engagée par un acheteur public. Le principe retenu par la Haute Autorité est celui d'une exclusion de la notion d'activité de représentation d'intérêts, des relations intervenant dans le cadre de cette procédure afin de répondre aux sollicitations de l'acheteur public. Néanmoins, cette dernière ajoute une précision nouvelle concernant les entrées en communication « intervenant en amont de la procédure de passation du contrat, ayant pour objet d'influencer l'acheteur public afin qu'il engage une telle procédure » (HATVP, Répertoire des représentants d'intérêts – Lignes directrices : nouvelle version, juill. 2023, p. 12). De telles actions sont susceptibles de constituer une action de représentation d'intérêts. Cette position pouvait toutefois être déduite de l'ancienne doctrine de la HATVP qui retenait déjà qu'une entrée en communication « en amont de l'adoption d'une délibération de portée règlementaire, dans le cadre de l'élaboration de lignes directrices ou dans la perspective d'un avis de l'autorité sur un projet de loi ou de règlement » constituait une action qualifiable de représentation d'intérêts (HATVP, Répertoire des représentants d'intérêts – Lignes directrices, sept. 2018, p. 17).
Enfin, la HATVP procède à ce qui est peut-être considéré comme un rappel déontologique de l'obligation d'autoévaluation reposant sur les lobbyistes, en précisant qu'il « appartient à chaque représentant d'intérêts d'apprécier ces critères en fonction de l'objet réel de son entrée en communication avec un responsable public. » (HATVP, Répertoire des représentants d'intérêts – Lignes directrices : nouvelle version, juill. 2023, p. 11).
Les précisions relatives aux activités réalisées par plusieurs personnes morales. Concernant le critère relatif au caractère principal ou régulier des activités de représentation d'intérêts, la Haute Autorité ajoute quelques précisions pour les activités réalisées par plusieurs personnes morales. En effet, lorsqu'une personne physique est membre de plusieurs personnes morales, l'attribution des actions de représentation d'intérêts qu'elle réalise dépend de l'intérêt défendu lors de ces actions.
Par ailleurs, en cas de démarches conjointes, par exemple lorsqu'une fédération professionnelle mène une action de représentation d'intérêts avec une des entreprises qu'elle représente ou lorsqu'un cabinet de conseil ou d'avocats est accompagné de l'un de ses clients, chacune des personnes morales doit comptabiliser une entrée en communication, et en cas d'inscription sur le répertoire, déclarer une action de représentation d'intérêts.
Enfin, dans le cas d'un groupe de sociétés, les actions de représentation d'intérêts effectuées par les différentes sociétés du groupe doivent être, en principe, comptabilisées par chacune des sociétés qui y ont participé, chaque personne morale étant susceptible d'être qualifiée de représentant d'intérêts. Tant la société-mère que ses filiales doivent ainsi comptabiliser leurs entrées en communication afin de savoir si elles doivent individuellement s'inscrire sur le répertoire.
Les précisions relatives aux informations nécessaires à l'inscription sur le répertoire. – Concernant l'identité du représentant d'intérêts, la Haute Autorité précise que lorsqu'un représentant d'intérêts ne dispose pas de numéro SIREN ou de numéro d'identification au répertoire national des associations, il lui est possible de prendre directement contact avec elle, par l'intermédiaire du téléservice, afin de lui communiquer leur identité et de se voir attribuer un numéro d'identification pour s'inscrire au répertoire.
Par ailleurs, le principe, déjà appliqué aux sociétés mères exerçant des activités pour le compte de leurs filiales, est étendu à l'ensemble des clients, mandats et groupes de sociétés. Aussi, pour l'ensemble de ces entités, il convient de déclarer l'identité des tiers pour le compte desquels des actions de représentation d'intérêts sont effectuées.
Ces lignes directrices comprennent une nouvelle section consacrée aux demandes de désinscription du répertoire. La HATVP précise que les demandes de désinscription sont justifiées dans le cas d'une cessation d'activité, ou de l'abandon de la qualité de représentant d'intérêts. Cela implique de distinguer l'hypothèse d'un abandon temporaire de cette qualité, qui ne doit entraîner qu'une déclaration de non-activité, du cas de l'abandon de la qualité de « manière pérenne » associée à la recherche d'un abandon de « manière durable ». Il conviendra sans doute de préciser les termes pérenne et durable qui ne sont pas énoncés par la loi ou les règlements.
En tout état de cause, les éléments communiqués à la HATVP demeurent accessibles sur le répertoire pendant 5 ans.
Les précisions relatives aux informations communiquées chaque année. – La HATVP commence par indiquer que dans le cas d'une inscription tardive, l'entité doit déclarer les actions de représentation d'intérêts menées à compter de la date à partir de laquelle la personne physique ou la personne morale réunissait les critères fixés à l'article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013.
La Haute Autorité procède à quelques compléments utiles concernant les informations relatives aux actions de représentation menées lors de, ce qu'elle nomme désormais, « le dernier exercice comptable » et non plus « l'année précédente ». Elle préconise, pour les objectifs poursuivis, d'ajouter des observations dans la case dédiée afin d'apporter des informations complémentaires utiles à la compréhension de l'action déclarée. En effet, il est possible d'observer une évolution progressive impliquant le passage d'un simple contrôle de l'existence des informations requises à un contrôle davantage qualitatif du contenu du répertoire. Dans ce cadre, il est possible d'observer une augmentation du nombre d'observations accompagnant les déclarations, celles-ci ont d'ailleurs fait un bond de 11 % entre 2022 et 2021 (HATVP, Répertoire des représentants d'intérêts – Bilan des déclarations d'activités 2023, juill. 2022, p. 9). Concernant la déclaration de moyens, la HATVP précise également qu'une case « commentaires » doit permettre aux représentants d'intérêts d'apporter des précisions sur leurs dépenses.
Au titre des obligations de déclaration susmentionnées, les représentants d'intérêts doivent renseigner les frais liés à la rémunération des personnes effectuant les actions à déclarer. À ce sujet, la Haute Autorité clarifie l'hypothèse de la mise à disposition par un représentant d'intérêts d'une personne physique à titre gratuit au sein d'un autre représentant d'intérêts dont il est membre (association, fédération professionnelle, etc.). Dans ce cas, le représentant d'intérêts dont dépend le salarié doit prendre en compte une quote-part du salaire de l'employé mis à disposition au titre des dépenses annuelles à déclarer.
Concernant les frais d'expertise, le document ajoute que dans le cas d'un groupe de sociétés, seule l'entité du groupe qui paie l'expertise devra déclarer les frais afférents, sauf si celle-ci refacture l'expertise à une autre société du groupe.
Toujours dans l'optique d'une ventilation des dépenses entre plusieurs personnes morales, les lignes directrices énoncent que dans le cas d'une pluralité de personnes morales, il convient de revenir au lien juridique existant entre les différentes personnes physiques et la personne morale à laquelle ils doivent être rattachés. C'est à cette personne morale qu'il revient de comptabiliser les actions réalisées et de déclarer les moyens correspondants. Aussi, dans le cas d'une action menée par un cabinet de conseil ou d'avocats accompagné par l'un de ses clients, l'action doit être déclarée par les deux personnes morales et seul le client doit déclarer les dépenses afférentes. De plus, pour les organisations professionnelles, lorsqu'une action est réalisée par un représentant de l'organisme accompagné de l'un de ses membres, l'action doit être déclarée par les deux personnes morales et chacune doit déclarer les moyens afférents. Enfin, pour les groupes de sociétés, et dès lors que la loi ne prévoit pas de déclaration consolidée, chaque personne morale déclare les actions qu'elle réalise et les dépenses correspondantes, qu'elle agisse seule ou conjointement avec une autre entité du groupe (HATVP, Répertoire des représentants d'intérêts – Lignes directrices, sept. 2018, p. 26).
La déclaration de non-activité fait également son entrée dans cette nouvelle version des lignes directrices. La HATVP énonce qu'un représentant d'intérêts qui n'a, au cours de son dernier exercice comptable, réalisé aucune action de représentation d'intérêts ou n'a pas rempli les critères de l'activité principale ou régulière, reste soumis à l'obligation déclarative. Aussi, ce dernier doit alors procéder à une déclaration de non-activité dans laquelle il précisera qu'aucune action de représentation d'intérêts n'est à déclarer au titre de cet exercice.
Conclusion. – Les nouvelles lignes directrices de la HATVP marquent une étape supplémentaire dans le travail de pédagogie effectué par l'autorité pour les différents dispositifs juridiques qu'elle contrôle. Cet exercice impliquant notamment d'opérer des synthèses, avoisinant parfois la création normative, se trouve néanmoins limité par certaines des lacunes du dispositif de régulation de la représentation d'intérêts. Aussi, le jour de la publication de ces nouvelles recommandations, la HATVP a communiqué le bilan de l'année 2022 accompagné des propositions visant à adapter le dispositif de régulation du lobbying afin de la rendre plus efficace. Ces propositions visent à :
• simplifier les seuils déclenchant une obligation d'inscription en l'appréciant à l'échelle de la personne morale ;
• étendre l'obligation de déclarations des activités aux entrées en communication initiées par les responsables publics ;
• permettre les déclarations consolidées pour les groupes de sociétés ;
• préciser dans les textes les critères des décisions publiques en fonction de leur importance, par leurs natures ou leurs effets.
Mots clés : Compliance. - Conflit d'intérêts.
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