Les mesures relatives aux transports collectifs de la loi 3DS ambitionnent de répondre aux défis de la mobilité. La loi tente de corriger, au sein d'un titre portant sur la« transition écologique », les lacunes juridiques afférentes aux transports collectifs. Elle offre l'occasion au législateur de préciser la répartition des compétences entre les échelons territoriaux et d'organiser plus en détail des réformes antérieures qui n'attendaient que d'être précisées.
L. n° 2022–217, 21 févr. 2022 : JO 22 févr. 2022
1. - L'exposé des motifs du projet de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (dite « Loi 3DS ») affichait une ambition claire : celle d'élaborer un nouveau texte de décentralisation faisant évoluer le cadre de relation entre l'État et les territoires sans que ne soient modifiés les grands équilibres institutionnels, en répondant aux « besoins de proximité et d'efficacité exprimés par les élus et les citoyens ces dernières années ». Nouvelle étape de la décentralisation, le texte prônait les moyens offerts aux territoires « d'être plus dynamiques, plus agiles face aux principaux défis auxquels ils font face ». Ainsi, était-il incontournable que la loi abrite des dispositions relatives aux transports collectifs. Par opposition aux transports privés – qui sont exécutés par des personnes physiques ou morales pour leur propre compte (C. transp., art. L. 1000-3) – les transports collectifs sont ceux qui sont ouverts au public. Ils peuvent concerner des personnes, comme des marchandises. Cette catégorie de transports inclut tant les transports en commun – « une catégorie précise de transport de voyageurs, les services principalement réguliers, organisés sous l'égide d'une autorité publique et soumis aux règles du service public »Note 1 – que les services commerciaux de transports de voyageurs. La loi 3DS prévoit plusieurs mesures relatives aux transports collectifs, au croisement de ses ambitions de transition écologique et de décentralisation. Elles concernent d'abord la compétence d'autorité organisatrice de la mobilité (AOM) (1) le transfert de la gestion des lignes ferroviaires de desserte fine de territoire (2) et précisent également certaines dispositions afférentes à l'Île-de-France (3).Par ailleurs, l'article 37 de la loi 3DS ajoute à l'article L. 4251-1 du Code général des collectivités territoriales une attribution à la région s'agissant de l'élaboration du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, en ajoutant que ce dernier « définit la stratégie régionale en matière aéroportuaire, qui n'est applicable qu'aux aérodromes ouverts à la circulation aérienne publique autres que ceux mentionnés aux articles L. 6321-1, L. 6323-2 et L. 6324-1 du Code des transports ».Hormis cette singularité, les dispositions de la loi se concentrent essentiellement sur les transports ferroviaires et la détermination de l'autorité la plus à même de superviser et d'encadrer l'organisation des transports à son échelle. Elle tente parallèlement, d'une part, de prendre suffisamment de hauteur pour répondre aux enjeux de mobilité durable et croissante, et d'autre part, d'adresser les attentes particulières des citoyens compte tenu des spécificités locales.
2. - La loi 3DS vient ajouter sa pierre au dispositif relatif à l'organisation de la mobilité en complétant la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) qui avait renforcé le schéma de la gouvernance de la mobilité en France autour de l'intercommunalité et de la région. Les dispositions introduites sont insérées dans le titre II et au sein d'un premier chapitre intitulé « La répartition des compétences dans le domaine de la transition écologique ». L'idée est que la politique de mobilité contribue aux objectifs écologiques, tout en prenant en compte la diversité des situations locales. La compétence d'autorité organisatrice de la mobilité (AOM) issue de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 dite MAPTAM, permet à l'autorité désignée d'organiser un ou plusieurs services de transport sur son ressort territorial. Il s'agit, pour l'autorité compétente, d'organiser les services réguliers de transport public urbain et non urbain de personnes, le développement des modes de déplacement terrestres non motorisés et des usages partagés des véhicules terrestres à moteur, la mise en place d'un service de conseil en mobilité. Elle peut en outre – de manière facultative – organiser les transports à la demande, la réduction de la congestion urbaine et de la pollution par la mise en place d'un service public de marchandises et de logistique urbaine, l'organisation de l'activité d'autopartage, la mise en place d'actions visant à favoriser le covoiturage et l'organisation d'un service public de bicyclettes. Le nouvel article L. 1231-1 du Code des transports a, d'une part étendu les autorités à qui la compétence peut être confiée, et d'autre part, clarifié les transferts de cette compétence.
3. - La possibilité offerte aux pôles métropolitains d'être AOM en lieu et place des intercommunalités qui le constituent. - Ainsi, la loi 3DS ajoute aux métropoles, aux communautés urbaines et aux communautés d'agglomération (pour qui la compétence est obligatoire), aux communautés de communes (pour lesquelles il s'agit d'un choix), la possibilité pour les pôles métropolitains d'être AOM. Cette possibilité ne pourra être effective qu'après le transfert de la compétence par ses membres. Cette extension est notamment intervenue sous l'impulsion du Sénat, qui identifiait alors un « vide juridique paradoxal » dès lors que ces pôles figurent « parmi les outils de coopération interterritoriale les plus agiles dont disposent les acteurs locaux » et de ce que leurs compétences dépassent celles des seules métropolesNote 2 .En effet, le pôle métropolitain, créé par la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 permet de regrouper plusieurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dont l'objectif est, entre autres, de développer « des infrastructures et des services de transport [...] afin de promouvoir un modèle de développement durable du pôle métropolitain et d'améliorer la compétitivité et l'attractivité de son territoire, ainsi que l'aménagement du territoire infra-départemental et infra-régional » (CGCT, art. L. 5731-1).Par suite, cette extension est la bienvenue.
4. - Précision des cas dans lesquels les EPCI peuvent demander la compétence d'AOM. - Pour ce qui concerne l'exercice de cette compétence sur le territoire des communautés de communes pour lesquelles la région est devenue AOM, la loi 3DS permet que la compétence soit transférée après délibération aux communautés de communes issues de la scission d'une communauté de communes ou d'une commune-communauté, créée par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 « Engagement et Proximité » et à une communauté de communes ou à une commune-communauté qui souhaite se transformer en EPCI à fiscalité propre relevant d'une autre catégorie. L'article 25 de la loi 3DS prévoit par ailleurs d'étendre l'hypothèse de transfert de la compétence d'AOM exercée par la région sur le fondement de la création d'un syndicat mixte mentionné aux articles L. 5711-1 et L. 5721-2 du Code général des collectivités territoriales en cas de création d'un pôle d'équilibre territorial et rural (PETR), prévu à l'article L. 5741-1 du même code. Par ces précisions apportées au Code des transports, la loi 3DS s'attache à ce que l'autorité compétente soit celle la plus à même de cibler les enjeux et attentes des citoyens lors de leur mobilité en toutes circonstances. Dans ce même souci de traiter au plus près et à la bonne échelle les enjeux locaux, la loi modifie le Code des transports pour désigner l'établissement public du Mont-Saint-Michel comme autorité compétente pour organiser les services routiers de transport public d'intérêt national au Mont-Saint-Michel.
5. - L'obtention par les AOM des données de mobilités facilitées. - Si l'article L. 1214-8-3 du Code des transports prévoyait que les « données pertinentes issues des services numériques d'assistance au déplacement » étaient rendues accessibles aux AOM dans le but d'améliorer l'efficacité des politiques publiques de mobilité, l'article 54 de la loi 3DS vient ajouter une sanction pénale au non-respect de cette obligation. Ces « services numériques » sont ceux « qui visent à faciliter les déplacements monomodaux ou multimodaux au moyen de services de transport, de véhicules, de cycles, d'engins personnels de déplacement ou à pied » (C. transp., art. L. 1214-8-3, II). En ce sens, le développement des transports collectifs devrait s'en trouver favorisé : l'idée étant la promotion des alternatives à l'usage exclusif du véhicule individuel.
6. - La compétence obligatoire de la communauté urbaine en matière de voirie où circule un service de transport collectif. - L'article 18 de la loi, afférent aux compétences obligatoires des communautés urbaines, précise que les voies sur lesquelles circule un service de transport collectif en site propre seront automatiquement incluses dans la voirie d'intérêt communautaire, de même que les trottoirs adjacents. Par conséquent, la communauté urbaine est chargée de l'entretien de ces voies, même si elle peut déléguer cette compétence à ses communes membres (CGCT, art. L. 5215-20).Ainsi, la loi 3DS laisse transparaître sa volonté de privilégier l'échelon intercommunal comme acteur phare des transports, afin que soient rencontrés tant les objectifs durabilité que de satisfaction des attentes des citoyens au plus proche d'eux.
7. - Les petites lignes ferroviaires, aussi appelées « lignes de desserte fine du territoire » avaient fait l'objet d'un rapport dit « Philizot »Note 3 qui soulignait leur besoin de financement, et proposait entre autres, que les lignes d'intérêt local soient transférées aux régions. La loi LOM avait introduit à son article 172 la possibilité pour maintenir et dynamiser les lignes de desserte fine du territoire menacées de fermeture, une diversité de schémas contractuels afin de permettre aux autorités organisatrices de transports ferroviaires (AOTF) – en l'occurrence les régions – de reprendre la main sur la gestion de l'infrastructure ferroviaire en modifiant l'article L. 2111-1-1 du Code des transports Note 4 .Ainsi, allant dans le sens des sollicitations de l'autorité de régulation des transportsNote 5 , l'article 43 de la loi 3DS complète le dispositif existant à plusieurs égards.
8. - Des possibilités croissantes de transfert de gestion. - En premier lieu, s'agissant du transfert de gestion des lignes, l'article L. 2111-1-1 du Code des transports est modifié pour préciser que l'accord préalable du ministre chargé des Transports « prend en compte la politique nationale en matière de transports, y compris les besoins liés à l'activité de transport ferroviaire de marchandises, notamment l'accessibilité des lignes aux transporteurs ferroviaires de marchandises, dans des conditions techniques et tarifaires équitables, transparentes et non discriminatoires ». Ainsi, le transport de marchandises entre désormais en considération dans la décision du ministre. Par ailleurs, si l'ancienne rédaction de l'article envisageait seulement les « lignes d'intérêt local ou régional à faible trafic du réseau ferré national », la nouvelle rédaction élargit les lignes concernées pour englober « les installations de services relevant du domaine public ferroviaire mentionné à l'article L. 2111-15 du code général de la propriété des personnes publiques et dédiées à la gestion de ces lignes ». Aussi, devient-il possible pour l'AOTF bénéficiaire du transfert de gestion de modifier l'affectation des biens dont la gestion lui est transférée, sous réserve de l'accord du ministre chargé du Transport et sans que cela entraîne le retour des biens concernés à SNCF Réseau ou à Gares & Connexions. Il est également prévu la possibilité pour l'AOTF bénéficiaire de confier à une autre entité la mission de gestion de l'infrastructure ferroviaire comme des gares de voyageurs. Dans ce cadre, une convention technique permettant la mise en œuvre du transfert de gestion avec l'autorité organisatrice de transports, SNCF Réseau et Gares & Connexions devra être établie.
9. - Le transfert en pleine propriété élargi. - Ainsi, les lignes pouvant faire l'objet d'un transfert en pleine propriété sont plus larges et concernent « les lignes ferroviaires d'intérêt local ou régional » (CGPPP art. L. 3114-1) sans que n'existe la contrainte introduite par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) afférente à ce que les lignes n'aient « pas été utilisées par des services de transport de personnes depuis plus de cinq ans ».Il est également précisé que ce transfert n'ouvre pas pour SNCF Réseau ou Gares & Connexion de droit à compensation des investissements qui ne seraient pas amortis pour les biens concernés par ledit transfert de propriété.
10. - Une précision de l'étendue de la mission de gestion. - L'article L. 2111-9-1 A du Code des transports est modifié pour qu'il soit désormais précisé que l'AOTF bénéficiaire du transfert de missions de gestion de l'infrastructure est « substituée à la société SNCF Réseau dans l'ensemble des droits et obligations liés aux missions de gestion de l'infrastructure qui lui sont transférées, à l'exception de ceux afférents à des dommages constatés avant la date du transfert et à des impôts ou taxes dont le fait générateur est antérieur à cette même date ».Un tel transfert signifiera des charges plus importantes pour les AOTF. Dans cette hypothèse, il est donc vivement recommandé de réaliser des audits et des expertises d'ampleur avant toute transmission de telles infrastructures dont on sait que l'entretien n'est pas toujours optimal. Il convient de préciser que SNCF Réseau ne sera pas compensé des conséquences de ce transfert de missions de gestion sur son actif. Plus précisément cela n'ouvrira pas, pour la société SNCF Réseau, de droit à compensation des investissements qui ne seraient pas amortis pour les lignes concernées par ce transfert de missions de gestion. La compensation des impacts économiques portera uniquement sur l'excédent brut d'exploitation.
11. - La mise à disposition du personnel encadrée par un nouvel article. - L'article 43 de la loi 3DS créée un article L. 2111-9-1 B qui précise que la mise à disposition par SNCF Réseau ou Gares & Connexions de salariés concourant à l'exercice de mission de gestion de l'infrastructure ou d'exploitation d'installation de service sur les lignes faisant l'objet d'un transfert s'effectue, soit dans les conditions de mises à disposition de la personne publique applicables aux agents de droit privé (CGFP, art. L. 334-1. – Et C. trav., art. L. 8241-2) ou dans les conditions de l'article L. 8251-2 du Code du travail lorsque le salarié est mis à disposition de la personne privée.
12. - La possibilité d'une expérimentation des transports légers sur les lignes de chemins de fer fermées. - L'article 52 de la loi prévoit la possibilité pour les conseils régionaux d'expérimenter pour 5 ans « sur des voies ferrées non circulées situées en zone peu dense, un système de transport léger autonome sur rail à la demande, dans le but de permettre la circulation des véhicules sur ces voies ».Par ce dispositif, le législateur a souhaité favoriser la réalisation de projets comme le projet Urbanloop développé depuis 2017 par la région Grand Est. Ce projet vise à mettre en place un système de transport autonome basé sur une flottille de petits véhicules autonomes sur rails très légers (véhicule pour une ou deux personnes ou encore pour une personne et son vélo) adaptée en nombre au flux des usagers, pour que le voyageur n'ait pas d'attente à quai et puisse aller directement à sa station de destination sans arrêt et sans correspondance. L'objectif est qu'en réutilisant et réaménageant des lignes de chemin de fer fermées, les coûts énergétiques, financiers et environnementaux soient abaissés, tout en améliorant la qualité de service aux usagers, pour concurrencer efficacement l'usage de la voiture.
13. - Faciliter les travaux de transports par une simplification des procédures d'urbanisme. - À l'instar de tous les textes récents en matière des transports, la loi prévoit des dispositions permettant de faciliter les travaux du Grand Paris Express par la Société du Grand Paris. Ainsi le Code de l'urbanisme est modifié pour que ne soient pas soumises au droit de préemption, les cessions à la Société du Grand Paris, des biens nécessaires à la réalisation et à l'exploitation des projets d'infrastructures déclarés d'utilité publique qui mettent en œuvre le schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris, ou dont la maîtrise d'ouvrage est confiée à la Société du Grand Paris (C. urb., art. L. 213-1). Ces cessions sont en outre exclues du droit de priorité (C. urb., art. L. 240-2).
14. - La compétence d'Île-de-France Mobilités pour les personnes accréditées des jeux Paris 2024. - L'article 27 de la loi 3DS désigne par ailleurs Île-de-France Mobilité pour être l'autorité compétente pour organiser les services de transports en Île-de-France des personnes accréditées lors des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 « pour répondre, en tout ou partie, aux besoins exprimés par le comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques », en précisant également qu'une convention entre ce Comité et Île-de-France Mobilités définit les droits et obligations de ces personnes accrédités et les modalités d'organisation de ces services de transport.
Les précisions et ajouts apportés par la loi 3DS étaient bienvenus, notamment s'agissant de l'organisation des transferts de gestion et de propriété des lignes ferroviaires, dès lors que le décret n° 2020-1820 du 29 décembre 2020 laissait des zones d'incertitudes. Désormais, le cadre juridique et précisé, et dans le même temps, élargi.
Néanmoins, si l'ambition de transition écologique apparaît en filigrane, notamment s'agissant des répartitions de compétences en matière d'autorité organisatrice de la mobilité, force est de constater que la loi ne porte pas de disposition forte en faveur du développement des transports collectifs.
En revanche, transparaît bien l'idée de faciliter la création et la réalisation de grands projets, à l'aune du Grand Paris Express, facilitant la mobilité sur un territoire étendu afin que les transports individuels soient délaissés au profit de transports plus verts.▪
Egalement dans ce dossier : articles 2107, 2108, 2109, 2110, 2112, 2113, 2114
Note 1 JCl. Transport, fasc. 611-10 : Transports en commun, 14 avr. 2020, par L. Siguoirt.
Note 2 Rapp. au nom de la commission des lois, 30 juin 2021, p. 49 et s.
Note 3 Ministère de la Transition écologique et Solidaire, dossier de presse, Petite lignes ferroviaires : des plans d'action régionaux, févr. 2020. Ce dossier présente le rapport Philizot, « Devenir des lignes de desserte fine des territoires », févr. 2020 (annexé au dossier de presse).
Note 4 S. de la Rosa, Vers un transfert de gestion des lignes ferroviaires locales aux régions ? : JCP A 2020, 2062.
Note 5 Autorité de régulation des transports, avis n° 2020-069, 22 oct. 2020, portant sur le projet de décret relatif au transfert de gestion de lignes ferroviaires d'intérêt local ou régional à faible trafic et au transfert de mission de gestion de l'infrastructure sur de telles lignes, et portant diverses autres dispositions.